Le complémentatif

  1. Généralités.

     Il sert, comme son nom l'indique, à compléter d'autres mots, que ce soit des verbes, des noms, d'autres complémentatifs ou même des particules. Il correspond donc en français à l'adjectif, à l'adverbe, et peut même se rendre par une préposition. Il est complètement invariable. Les complémentatifs peuvent être divisés en catégories suivant leur sens ou leur emploi.

  2. Les qualificatifs.

     Ce sont les complémentatifs les plus nombreux. Ils correspondent aux adjectifs qualificatifs, aux adverbes en -ment et à d'autres adverbes. De par leur nature, ils se traduisent par un adjectif ou un adverbe suivant ce qu'ils complètent.

    ben : bon, bien.

     Leur comportement n'est intéressant à étudier que lorsqu'ils complètent des substantifs. Dans les autres cas, leur comportement est le même qu'en français, à peu de choses près.

    1. les complémentatifs en épithète.

       On les place généralement le plus proche possible du nom qu'ils complètent et ils se placent indifféremment devant ou derrière celui-ci. Cependant, comme on ne peut séparer le substantif de l'article défini, on place le complémentatif obligatoirement derrière le substantif défini.

      bel get, get bel : un beau chat.
      ì get bel : le beau chat.
      ì gete bel : les beaux chats.

       Pour des raisons purement esthétiques, on place les complémentatifs courts généralement devant le substantif indéfini, et les complémentatifs longs généralement derrière (la notion de longueur restant assez subjective).

      pulk ave : un superbe oiseau.
      ave tropikel : un oiseau tropical.

    2. les complémentatifs en attribut.

      1. l'attribut du sujet en phrase nominale.

         La phrase nominale est une particularité du Réman qui n'est partagée par aucune autre langue latine, mais qui existe dans d'autres langues, notamment en arabe. C'est une phrase qui, bien que complète, ne possède pas de verbe. Elle vient de l'absence en Réman d'un verbe être servant de copule ("liaison") entre un sujet et ce qui lui est attribué. On traduit généralement ce type de phrases par des phrases utilisant le verbe être, ou le verbe avoir qui brille aussi par son absence. La notion de temps et de négation sont rendues dans ces phrases par des complémentatifs. L'ordre habituel des mots dans la phrase nominale est : sujet + complémentatifs facultatifs pour la notion de temps ou de négation + attribut (substantif, complémentatif ou expression de type génitif ou complément du nom).

        T'ave pulk : L'oiseau est superbe.

      2. L'attribut du sujet en phrase verbale.

         On l'emploie avec des verbes transitifs du type parikri : paraître. Lorsque le complément est un substantif, on le considère comme un complément direct. Lorsque c'est un complémentatif, on le considère comme un attribut du sujet.

        Ì vir parike alt : L'homme semble grand.

      3. l'attribut du complément direct.

         Il s'emploie exactement comme l'attribut du COD en français. On l'emploie surtout avec le verbe feri : faire dans le sens de rendre.

        Feve vir nobil : Il a rendu un homme noble, Il a annobli un homme.

  3. Les complémentatifs pronominaux.

     Ces complémentatifs correspondent à certains pronoms, et là où le pronom remplace le substantif, le complémentatif le complète.

    1. les complémentatifs démonstratifs.

       Ils sont trois, correspondant aux trois degrés d'éloignement, et peuvent compléter aussi bien des personnes que des choses. En tant que complémentatifs, ils ne dispensent pas de l'usage de l'article défini s'il le faut. Complétant un substantif indéfini, on les traduit généralement par "un de ces...". Ces complémentatifs sont :
      ic : ce, cet, cette, ces... -ci
      ict : ce, cet, cette, ces... -là
      il : ce, cet, cette, ces... -là là-bas

       On a aussi le complémentatif id : même, associé au pronom ide.

    2. les complémentatifs indéfinis.

       Comme leur nom l'indique, ils correspondent aux pronoms indéfinis et ne complètent que des substantifs indéfinis. Ils complètent aussi bien une personne qu'une chose. Ce sont :
      elqi : quelque, quelques.
      toqi : tout, toute, tous, toutes.
      qiqi : chaque, tous, toutes.

    3. le complémentatif relatif.

       Il n'existe qu'un seul complémentatif relatif. Comme les pronoms relatifs, il se place au début de la subordonnée relative, et entraîne avec lui le mot qu'il complète (il se place cependant derrière ce substantif s'il est défini). Ce complémentatif est qi. Il complète plutôt les substantifs indéfinis, auquel cas il signifie "tout, tous, toute, toutes... qui", "quel que soit... qui". Il peut aussi compléter un nom défini, auquel cas il signifie "lequel, laquelle, lesquels, lesquelles". Mais cette construction est souvent maladroite en français, ce qui peut entraîner des problèmes de compréhension ou de traduction.

    4. le complémentatif interrogatif et exclamatif.

       Il n'existe qu'un complémentatif, complétant à la fois les personnes et les choses. Comme les pronoms du même type, il est inerrogatif s'il complète un substantif indéfini et exclamatif s'il complète un substantif défini (sauf dans le cas d'un indénombrable). Il se place comme le complémentatif relatif.
      Indéfini qo : quel, quelle, quels, quelles ?
      Défini ì... qo : quel, quelle, quels, quelles ?

  4. Les complémentatifs numéraux.

     Ils sont de trois types : les nombres cardinaux, les nombres ordinaux et les complémentatifs multiplicatifs.

    1. les nombres cardinaux.

       Ils ont la même forme que les substantifs du même type. 0 et 1 complètent des substantifs au singulier, les autres des substantifs au pluriel. Contrairement au français, million et milliard fonctionnent comme des complémentatifs.

      milon aves : un million d'oiseaux.

    2. les nombres ordinaux.

       Ils ont la même forme que les substantifs du même type et fonctionnent comme les complémentatifs démonstratifs.

      ì vir preme : le premier homme.
      ulteme vir, vir ulteme : un des derniers hommes.

    3. les complémentatifs multiplicatifs.

       Ils servent à multiplier les mots qu'ils complètent. On les traduit donc généralement par un cardinal auquel on ajoute "fois". On les emploie aussi pour former les multiples de cent, mille, etc... à la fois pour les cardinaux et les ordinaux (et, bien sûr, les multiplicatifs eux-mêmes).
      1x : simel : une fois 40x : qarikes : quarante fois
      2x : bi : deux fois 50x : qinikes : cinquante fois
      3x : tir : trois fois 60x : sikes : soixante fois
      4x : qatir : quatre fois 70x : sitikes : soixante-dix fois
      5x : qines : cinq fois 80x : otikes : quatre-vingt fois
      6x : seses : six fois 90x : nevikes : quatre-vingt-dix fois
      7x : sites : sept fois 100x : centes : cent fois
      8x : otes : huit fois 101x : centes simel : cent une fois
      9x : neves : neuf fois 110x : centes dekes : cent dix fois
      10x : dekes : dix fois ... ... ...
      11x : enzes : onze fois 200x : bi centes : deux cents fois
      12x : dezes : douze fois 300x : tir centes : troix cents fois
      13x : trezes : treize fois ... ... ...
      14x : qaterzes : quatorze fois 1000x : miles : mille fois

  5. Les complémentatifs de lieu.

     On en trouve de formations diverses. Mais d'autres, cependant, peuvent être placés en tableau, liés à certains complémentatifs et à quatre types de lieu :

    Complémentatif Lieu :
    Où l'on est Où l'on va D'où l'on vient Par où l'on passe
    qo ovi : où (es-tu) ? qu : où (vas-tu) ? und : d'où (viens-tu) ? qwa : par où (passes-tu) ?
    ic ici : ici icu : ici icun : d'ici ica : par ici
    ict icti : là ictu : là ictun : de là icta : par là
    il ili : là-bas ilu : là-bas ilun : de là-bas ila : par là-bas
    ì... qi quvi : où, là où qiqu : où, là où qund : d'où, de là où qiqwa : par où, par là où
    qi uvi : partout où qu : partout où und : de partout où qwa : quelque soit l'endroit par où
    elqi eluvi :quelque part elqu : quelque part elund : de quelque part elqwa : par quelque part
    toqi tuvi : partout toqu : partout tund : de partout toqwa : par partout
    qiqi qivi : partout qiqu : partout qind : de partout qiqwa : par partout

  6. Le complémentatif de négation.

     C'est l'unique mot négatif de la langue. Ce complémentatif est na (n' devant une voyelle). Seul, il signifie "non". Devant un substantif, il signifie "pas de". Devant un complémentatif, il indique généralement le contraire. Devant un verbe, il signifie "ne... pas", ce qui est aussi son sens dans une phrase nominale. On l'emploie aussi souvent devant certains pronoms ou complémentatifs :

    n'eldan : personne,
    n'elre : rien,
    n'elqi : aucun, aucune,
    n'eluvi : nulle part,
    etc...

     On peut aussi utiliser le composés de to- et qi- avec na sans changer le sens. Ce sont cependant les composés de el- (pour des raisons d'euphonie) qui sont préférés.

  7.  Les complémentatifs de quantité et les degrés du complémentatif.

     La quantité et les degrés du complémentatif (comparatif et superlatif) se forment à l'aide de complémentatifs, les mêmes quels que soient les mots qu'ils complètent. Seuls trois complémentatifs possèdent un comparatif (de supériorité) et un superlatif (de supériorité) irréguliers :

    ben : bon, bien, gentil mhor : meilleur, mieux, plus gentil otim : le meilleur, le mieux, le plus gentil
    mal : mauvais, mal, méchant phor : plus mauvais, pire, plus méchant pesim : le plus mauvais, le pire, le plus méchant
    gran : grand, large mahr : plus grand, plus large masim : le plus grand, le plus large

     Les complémentatifs de quantité se traduisent différemment suivant qu'ils complètent un verbe, un complémentatif, un complémentatif de quantité ou un substantif (lorsqu'il est dénombrable, le substantif doit être mis au pluriel indéfini). Nous allons voir tous ces cas pour pouvoir bien cerner leur sens.

    Complémentatif Devant un verbe Devant un complémentatif Devant un complémentatif de quantité (plu, min, sas ou nime) Devant un substantif
    quntu ? combien ? combien ? de combien ? combien de ?
    qum ! combien, comme, qu'est-ce que ! comme ! comme ! que de !
    mult beaucoup bien beaucoup beaucoup de
    plu plus, davantage plus (comparatif) plus de
    pluri le plus, au plus haut point le plus (superlatif) le plus de
    tre très (superlatif absolu)
    pul un peu un peu un peu un peu de
    min moins moins (comparatif) moins de
    minim le moins le moins (superlatif) le moins de
    tan autant aussi (comparatif) d'autant autant de
    sas assez assez assez de
    nime trop trop trop de
    pari trop peu trop peu trop peu de

     On rend "peu" par na mult ("pas beaucoup") et "très peu" par tre pul. Le complément du comparatif (plu, tan et min) se rend avec la particule kom : comme, que, et le complément du superlatif par un génitif ou un complément avec dy.

  8.   Les complémentatifs d'interrogation.

     Nous en avons vu certains. Voici uniquement ceux qui posent une question sur une circonstance de :
    LIEU ovi ? : où (es-tu) ?
    qu ? : où (vas-tu) ?
    und ? : d'où (viens-tu) ?
    qwa ? : par où (passes-tu) ?
    TEMPS qen ? quand ?
    quntudho ? (pendant) combien de temps ?
    qokes ? combien de fois ?
    MANIERE qumu, ud ? comment ?
    CAUSE kur ? pourquoi ?
    QUANTITE quntu ? combien ?

     Un point important à remarquer est que si la place habituelle des interrogatifs est le début de la phrase, il est très fréquent de changer leur position pour des raisons diverses, principalement euphoniques. Cela signifie qu'il est tout à fait correct de placer le mot interrogatif au milieu ou même à la fin de la phrase interrogative.

  9. Le complémentatif de liaison.

     C'est un rémanisme (structure propre au Réman) qui a de multiples traductions en français. C'est un complémentatif formé à partir d'un substantif qui sert à caractériser un autre substantif par l'idée contenue dans le premier. On le traduit généralement par un complément de nom (sans idée de possession) ou par un adjectif. Il se forme à partir du nom singulier indéfini auquel on ajoute -ni s'il est vocal ou -eni s'il est consonnant. L'accent tonique ne se déplace pas.

    festa : une fête.
    deh festani : un jour de fêtes.
    razun : la raison.
    vir razuneni : un homme de raison, un homme raisonnable.

     Il existe d'autres complémentatifs dérivés de substantifs (mais généralement pas de manière productive) ou de verbes qui ont un sens proche du complémentatif de liaison, mais qui sont généralement traduits par des adjectifs.

    ì tropike : les tropiques.
    tropikeni : des tropiques, tropical.
    tropikel : tropical.

     Cependant, contrairement au complémentatif de liaison, ils peuvent compléter des verbes, indiquant ainsi la manière.

    razuneri : raisonner.
    O-feve razunebil : Il l'a fait de manière raisonnable (raisonnablement).


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