- Les registres de langue (ku|levuj izol).
Suivant la personne à qui l'on parle, on emploie certaines expressions et on parle
d'une certaine façon qui sera différente suivant la personne. Bref, on emploie un certain registre
de langue. Et ce qui est vrai dans toute langue l'est aussi en Moten : il y a plusieurs registres de langue,
plus ou moins polis.
Je me rappelle assez bien des différents registres de langue du Moten, alors que c'est quelque chose
de fotement culturalisé et que je ne me souviens pas d'où je viens, ni de la culture d'où je
viens. Je diviserais en quatre registres de langue, bien que les frontières soient floues et que l'on
puisse passer insensiblement de l'un à l'autre :
- le langage familier (ujtinku|lu : "langage proche") :
- C'est le registre de langue employé en famille et avec les amis proches.
- le langage courant (sizaku|lu : "langage journalier") :
- C'est le registre de langue le plus employé, entre collègues, connaissances et inconnus
du même âge ou moins âgés, et le langage écrit s'en rapproche beaucoup.
Son niveau de politesse (ti|zo) est moyen.
- le langage soutenu (nudelku|lu : "langage de respect") :
- Ce registre de langue s'emploie lorsqu'on doit respecter quelqu'un. Son niveau de politesse est assez important,
mais il emploie toujours les pronoms personnels et le tutoiement (le vouvoiement n'existe pas).
- le langage solennel (oskana|notku|lu : "langage de cérémonie") :
- Je ne m'en rappelle pas énormément, mais il me semble qu'il a une certaine
importance. Il me paraît extrêmement poli et est caractérisé principalement par l'emploi
des pronoms-adjectifs démonstratifs à la place des pronoms
personnels.
- Le salut et les formules de politesse (met opa tizvoj sebe|leg).
On emploie différentes expressions formées soit de substantifs au "vocatif" (nominatif
indéterminé à sens déterminé), soit d'expressions consacrées qui me semblent issues de verbes
(peut-être d'anciennes formes verbales personnelles archaïques conservées par l'expressivité)
qui possèdent le statut de particules (comme les interjections).
- le salut (met).
Suivant le registre de langue, on salue et on dit "au revoir" de différentes manières :
- en langage familier :
- On salue par l'expression 'mejto' : 'salut' qui semble se rapprocher du verbe 'imeti' :
saluer.
- On se quitte en échangeant l'expression '|lag' : 'salut', 'au revoir', forme abrégée
de 'ko|la ag' : 'pars en paix' (|la : paix).
- en langage courant :
- On salue en faisant référence au moment du jour :
lensiza : bonjour ("ce jour-ci"), matin et après-midi.
lendod : bonsoir ("cette nuit-ci", "ce soir-ci"), soir et nuit.
- On se quitte soit par l'expression 'ko|la ag' non abrégée, soit par
l'expression 'opajko' : 'au revoir' (dont je n'arrive pas à me souvenir l'origine).
- en langage soutenu :
- On salue différemment suivant les circonstances de la rencontre :
- Lors d'une rencontre impromptue, provoquée par une personne qui veut demander
quelque chose à une autre personne, le demandeur manifeste sa présence par
l'expression 'fe|su' : 'excusez-moi de vous déranger'. La personne visée
peut ne pas répondre ou répondre 'ba gdan bunejsos' : 'vous ne me dérangez pas'
(il y a un verbe 'ibunesi' : 'déranger, ennuyer' dont cette expression est certainement tirée).
- Lors d'une rencontre impromptue non provoquée (deux connaissances se rencontrant par hasard), on
emploie les expressions du langage courant précédées de 'ja', sorte de
"particule de respect" ressemblant au 'o' ou 'go' japonais.
- Lors d'une rencontre prévue (rendez-vous) ou lorsque le métier de l'un des protagonistes
est de recevoir (maître d'hôtel, garçon de café, commerçant),
la première personne sur les lieux accueille la seconde par 'ja uba|s' : 'soyez le bienvenu'
("(poli) venez !"), celle-ci répondant par 'ja vepe|ne', expression venant de 'vepe|ne' : 'pardon'
(pourquoi s'excuser alors qu'on est attendu ? peut-être pour rester humble en disant qu'on ne
mérite pas cet accueil).
- On quitte aussi différemment suivant les circonstances :
- Si une personne doit quitter l'autre subitement, elle dit 'agfe|su' :
'excusez-moi de mon départ', l'autre répondant 'ba vepe|nes' : 'ne vous excusez pas'
(une ancienne forme du verbe 'ivepe|nej' : 's'excuser, demander pardon' ?).
- Quand l'entretien aboutit à sa fin normale, on échange la formule
'ja opajko'.
Il y a une expression qui correspond au français "enchanté(e) (de faire votre connaissance)".
C'est l'expression 'ja semuzmatajo' qui ne s'emploie qu'en langage soutenu ou cérémoniel.
- les formules de politesse (tizvoj sebe|leg).
Elles sont presque identiques dans tous les registres de langue. Certaines ont d'ailleurs
déjà été vues :
fe|su : excusez-moi de vous déranger.
agfe|su : excusez-moi de mon départ.
vepe|ne ('ja vepe|ne' en langage soutenu)* : excusez-moi, pardon (dans toute autre circonstance).
ja fe|su : s'il vous plaît (je ne l'emploie que très rarement en langage familier).
davi|zo ('ja davi|zo' en langage soutenu) : merci (verbe 'idavi|zi : 'remercier').
gdan davi|zos : il n'y a pas de quoi (peut-être "ne me remerciez pas").
Komut pinajso ?** : comment ça va ? (verbe 'ipinasi' : 'se sentir').
pinajso** : ça va.
* On emploie 'vepe|ne' là où le français emploie "merci" pour signifier qu'on ne pense
pas mériter l'atention de l'autre (par exemple en recevant un cadeau). Cependant, en langage familier, on
dit simplement 'davi|zo'.
** La question "comment ça va ?" ne me paraît pas naturelle, sauf après une séparation assez
longue (au moins de l'ordre du mois).
- Le langage familier (ujtinku|lu).
Je n'arrive pas à me souvenir d'un argot en Moten. Cela ne veut pas dire qu'il n'y en a
pas, mais il n'a certainement pas la même importance qu'en français ou en anglais par
exemple. En fait, le but de chaque personne est de communiquer le plus d'information possible par le moins d'efforts
(de mots) possible. Comme le contexte le permet, le langage familier élimine tout ce qui n'est pas
indispensable à une bonne compréhension du message transmis, quitte à rendre la
langue grammaticalement incorrecte. Voici les différentes incorrections tolérées
qui forment la langue relachée.
- la flexion (o|zeme).
Dans la langue grammaticalement correcte, le complément d'un verbe est à
l'accusatif. Dans la langue relachée, si le sujet est exprimé, on peut mettre l'objet
au nominatif (l'accusatif n'a plus qu'un sens spatial ou temporel). Pour éviter les confusions,
le sujet (s'il est au nominatif) précède le complément. De même, un complément
du nom peut être mis au nominatif, mais uniquement si on ne risque pas de confondre avec une juxtaposition.
Los Kel ipe|laj ito : Il regarde la Lune.
- la conjugaison (bakme).
On omet 'atom' au présent ou quand sa forme est évidente. En proposition subordonnée,
on ne l'omet qu'en tant qu'auxiliaire. Dans ce cas, c'est la forme impersonnelle du verbe qui est complétée
par un affixe et éventuellement surdéclinée. 'Agem' ne peut
être omis que comme verbe à part entière dans une proposition principale, et l'objet est alors forcément
à l'accusatif.
Los Kel ipe|laj : Il regarde la Lune.
Ga su |sukton : J'ai un frère. (|suko : frère)
- l'expression (sedati).
Par rapport au langage courant, la langue familière fait surtout un usage très important des abréviations
et concaténations de mots, notamment pour les postpositions. Ces procédés dépendent surtout de la phonétique
(et non de règles précises comme celles de mutation phonétique, bien que je pense
qu'on puisse trouver des ressemblances) et doivent être vues au cas par cas.
On a ainsi, par exemple :
langage courant : umpevi melag : dans la maison (umpi : maison).
langage familier : umpi-lag : dans la maison.