Vous êtes entrés sans le savoir dans une grotte sans issue, une pierre est tombée, bouchant la sortie, et vous êtes maintenant enfermés dans le noir. Puis, vos yeux s'habituant à l'obscurité, vous commencez à distinguer une lumière, tout au fond de la grotte. Vous diant que c'est peut-être une sortie, vous commencez à avancer, et plus vous vous approchez de la lumière, plus l'air semble se réchauffer, plus vous vous sentez bien, puis vous arrivez dans une grande salle, et la lumière semble provenir d'un autel, et quand vous arrivez devant l'autel, vous trouvez un livre, brillant de mille feux, un livre intitulé : Qu'est-ce que le Manga ?...
Eh ! mais qu'est-ce qui m'arrive ? Serais-je devenu fou à lire trop de mangas et à regarder trop de dessins animés japonais ? Non, bien sûr que non, n'en déplaise à tous
ces gens bien intentionnés qui prétendent savoir ce qui est bon à voir à la télé et ce qui n'est pas bon. Vous entrez ici dans un domaine nouveau, alors oubliez un instant vos préjugés,
qu'ils soient positifs ou négatifs, à l'égard des mangas, et apprenez ce qu'est réellement ce pan incontournable de la culture japonaise.
Tout d'abord, un peu de vocabulaire. Le mot manga est un mot assez ancien, qui a longtemps désigné un certain type d'images ou d'estampes dont le sujet était considéré comme "frivole"
(c'est-à-dire non historique, non légendaire, fait pour amuser). Mais aujourd'hui, ce sens a complètement disparu, et avec lui la connotation négative du manga, et il désigne aujourd'hui la bande dessinée
japonaise, à l'exclusion de tout autre sens (tout comme le mot comics désigne la bande dessinée américaine). Le dessin animé, lui, est désigné sous le terme d'anime, ou animêshon
(de l'anglais "animation"). Bien que très liés, il convient de toujours bien faire la différence entre ces deux choses, même s'il est vrai qu'un manga à succès est toujours adapté en anime, et que souvent
les anime à succès se voient adaptés en manga (ce qui conduit parfois à de bonnes surprises malgré tout). Dans cette page, je ne parlerai quasiment que de manga, ne faisant que rarement un détour par l'anime, quand
cela en vaudra vraiment la peine.
Le manga commence à apparaître avec l'après-guerre. Il faut voir la situation à cette époque : le Japon a perdu la guerre et a été traumatisé par le lâcher des deux bombes
atomiques américaines sur Hiroshima et Nagazaki. Qui plus est, tout comme les alliés européens occupent l'Allemagne et l'Autriche, le Japon est placé sous tutelle américaine et les Japonais supportent mal la présence
américaine chez eux. Ils ont perdu leur honneur et leur identité, et se trouvent noyés de produits américains chargés de culture américaine. A cette époque, la réalité est devenue trop dure, et les
Japonais ne désirent qu'une chose : oublier leur condition actuelle. Dans ces conditions, il n'est pas surprenant que le manga soit devenu un phénomène dès son apparition. On ne sait pas réellement comment le manga est
apparu, mais on sait à peu près quand : au début des années 50. Comme dans tout nouveau domaine artistique, le manga a connu un homme, qui y a à jamais marqué son empreinte : Osamu Tezuka. Evidemment, on
reconnaît aujourd'hui l'intérêt de ceux qui l'ont précédé, mais il est vrai que son influence fut telle qu'on peut dire qu'il y a eu un avant et un après Tezuka. Tezuka a révolutionné le manga en y introduisant
un contenu particulièrement fort dans un dessin assez enfantin. Fasciné par les dessins animés de Walt Disney d'avant-guerre, son dessin en est très inspiré, notamment avec des personnages dont les yeux font la moitié de
la tête et semblent comme peints, façon de dessiner qui est quasiment une constante du manga d'aujourd'hui. La seule manière que les studios Disney semblent avoir trouvé pour remercier Tezuka de son intérêt a été
de copier sans vergogne une de ses oeuvres phares : Le roi Léo pour en faire le roi Lion, dessin animé qui a quand même relancé les studios Disney qui s'étaient un peu essoufflés, sans jamais reconnaître
la paternité de cette oeuvre. L'autre oeuvre phare de Tezuka : Astroboy (Astro, le petit robot) a eu un tel succès qu'elle a été adaptée deux fois en anime : une fois dans les années 60 et en noir
et blanc et une fois à la fin des années 70 et en couleurs (c'est cette série que nous avons vu en France au milieu des années 80). Il faut dire qu'en période de pleine guerre froide, où l'on pensait que l'homme aurait
colonisé le système solaire avant la fin du siècle, l'histoire d'un petit robot à forme humaine, crée par un savant devenu fou quand son fils est mort, renversé par une voiture, et dont le coeur est un petit réacteur
nucléaire ne pouvait qu'avoir un immense succès. D'autant que dans ses mangas, Tezuka aborde des sujets très forts et qui ne prendront toute leur dimension que bien plus tard, comme l'écologie et la menace de la pollution, le nucléaire
et ses dangers ainsi que l'horreur de la guerre.
Après des années 60 dominées par Osamu Tezuka et par un autre grand mangaka (dessinateur de manga) nommé Shotarô Ishinomori, les années 70 sont arrivées, et avec elles une nouvelle génération
de mangaka. Dans cette génération se détache particulièrement un homme : Gô Nagai, qui lui aussi à sa façon va révolutionner le monde du manga en introduisant presque systématiquement dans des mangas
considérés comme grand public une violence beaucoup plus forte et surtout beaucoup de sexe, surtout de manière comique mais parfois aussi de façon beaucoup plus sombre. Il est certainement l'un des premiers mangaka à oser affronter la
censure alors très puissante au Japon, et a donné au manga une liberté de ton qu'il n'avait jusqu'alors pas pu avoir. Ses oeuvres les plus connues au Japon sont sans doute Devilman, oeuvre apocalyptique que beaucoup ont comparé aux
Evangiles (ce qui est particulièrement étonnant vu que Gô Nagai n'avait jusqu'alors jamais lu la Bible), Violence Jack (son oeuvre la plus longue), qui comme son nom l'indique est une oeuvre d'une extrême violence mais aussi d'une extrême
profondeur, et qui raconte l'histoire d'une montagne de muscles sans foi ni loi nommée Jack, dans un monde apocalyptique ressemblant beaucoup à celui de Ken le survivant, et qui ne cherche rien, si ce n'est peut-être à savoir ce qu'il est.
La fin de cette oeuvre est extrêmement liée à la précédente, et il faut la voir non seulement comme une simple histoire, mais aussi comme la psychanalyse de Gô Nagai qui ainsi a enfin pu se débarasser des démons qui le hantaient
depuis son enfance. D'autres oeuvres à succès sont Cutey Honey (plus connue en France sous le nom de Cherry Miel) qui est le premier manga spécifiquement fait pour les hommes dont le héros est une héroïne (et particulièrement
bien roulée, ce qui est tant mieux car elle est au moins à moitié nue la plupart du temps) et surtout la trilogie des Mazinger, ces robots géants pilotés de l'intérieur par des humains (même si maintenant ça nous
paraît naturel, il faut savoir que ça ne s'était jamais fait auparavant, ce qui veut dire que toutes les séries dites "live" comme Bioman, Liveman et autres Powers Rangers doivent tout à Gô Nagai !) et qui protègent
les humains contre des envahisseurs venus d'aussi bien sur la Terre que sous la Terre, et même des étoiles. Dans cette trilogie, il faut savoir que la dernière série, nommée Grendizer, si elle est passée quasiment inaperçue au
Japon (après Mazinger Z et Great Mazinger, ce n'était qu'une histoire de robots de plus), a eu un impact extrêmement important sur les Français, puisqu'il s'agit tout simplement de Goldorak, la série qui a fait découvrir
l'anime aux Français, et dont le succès a été tel que le dessin animé japonais a dominé les programmes pour enfants pendant presque 15 ans ! Pour terminer ce point sur Gô Nagai, il faut savoir que celui-ci continue à
dessiner, et que sa dernière oeuvre en cours : Devilman Lady (qui n'est pas simplement, contrairement à ce que semble indiquer son titre, une simple reprise de Devilman avec une héroïne à la place d'un héros) fait un tabac au Japon.
Comme quoi, ce Gô Nagai n'a pas fini de faire parler de lui !
La fin des années 70 a vu l'explosion du manga. Le nombre de mangaka a énormément augmenté, et avec lui le nombre de titres sortis par an. Devenu un véritable phénomène de société, le manga n'est plus simplement
un moyen de raconter des histoires, mais aussi une méthode d'apprentissage, et on trouve des manga pour apprendre la cuisine, les langues étrangères, mais aussi des manga du type "comment devenir..." et même l'histoire de Bouddha en manga ! Quand au manga
"classique", il s'est énormément diversifié, s'est divisé en catégories, ce qui fait que maintenant chaque tranche d'âge, sexe et même catégorie socio-professionnelle possède son type de manga, dont le dessin et le motif narratif
sont codifiés de façon à appartenir à la catégorie voulue. Ceci est dû à la vision shintoïste de l'univers dans laquelle chaque chose a sa place, chaque chose fait partie d'une catégorie et il ne faut pas mêler les
différentes catégories. Bien entendu, il existe des gens qui font exprès de mêler les catégories et qui ont tout de même du succès, mais il faut reconnaître l'importance de ces divisions tout de même. Ainsi, on a par exemple le
shônen manga ou "manga pour jeunes garçons" (adolescents) dans lequel les histoires contiennent souvent beaucoup de sang et où l'on n'hésite pas à dénuder de jeunes filles en fleurs ou plus mûres et où les dialogues sont souvent
très longs (avec d'énormes bulles de dialogue) et les planches très souvent chargées de détails. Dans ce type de manga, on trouve des oeuvres comme Dragon Ball, Saint Seiya (Les Chevaliers du Zodiaque), Dragon Quest (Fly),
pour ne citer que les plus connus en France. On oppose souvent ce type de manga au shôjo manga ("manga pour jeunes filles") où le dessin est beaucoup plus épuré, rempli de voiles translucides et de longues capes volant dans le vent, où les personnages
sont très longilignes, les yeux gigantesques, les garçons presque androgynes, les histoires très romantiques mais parfois aussi très alambiquées, avec des filles à la fois fortes et fragiles, et surtout des coiffures pas possibles (et des couleurs de
cheveux - quand on a la couleur - qui peuvent faire tout le spectre, du rouge au violet en passant par le rose, le vert et le bleu). Parmi les manga de ce type connus en France (surtout par les anime), on trouve Candy, toutes les magical girls à commencer par Minky Momo
(Gigi), et l'un des plus connus qui est Sailor Moon. Ce type de manga est quasiment le domaine réservé des filles mangaka (de rares hommes le pratiquent aussi) qui ont commencé à apparaître vers le milieu des années 70 (auparavant, le
manga était un domaine réservé aux hommes). Enfin, un autre type de manga est constitué des mangas érotiques et/ou pornographiques. Si j'en parle, c'est uniquement pour préciser que ce type de manga, contrairement à ce que semblent penser les
ligues de vertus, est très marginal dans la masse de tous les mangas qui sont publiés chaque année. De plus, beaucoup sont du registre du comique ou de l'horreur, et leur caractère pornographique passe presque inaperçu. Enfin, certain sont vraiment rigolos
comme Ogenki Clinic, qui se déroule dans une clinique spécialisée dans le traitement des perversions sexuelles et dans lequel le côté porno disparaît presque au profit du côté comique, pour notre plus grand plaisir.
Comme vous devez vous en douter, je suis un amateur de manga, pas loin d'être ce qu'on appelle un otaku (qu'on peut à peu près traduire par "fan"). Je suis particulièrement fan de deux manga que je vous propose de découvrir. Bien qu'étant tous deux de style shôjo, je crois que ces deux mangas peuvent plaire à tous, garçons ou filles, jeunes ou moins jeunes, sans distinction.
Enfin, pour ceux que ça intéresse, voici une nouveauté qui j'espère vous plaira : Rainbow Fighters : les Combattants de l'Arc-en-Ciel.