Premier Contact


 On y est. Maintenant les manipulations deviennent dangereuses. Il faut que je sois très précis pour éviter la catastrophe. Doucement, là... Dong ! ce bruit de ressort indique mon succès. J’ai réussi à décoincer cette tartine de mon grille-pain sans verser une seule miette. Je sors la tartine. Elle n’est même pas brûlée. Je crois que pour une fois j’ai réussi sur toute la ligne. Il faudrait quand même que je pense à acheter un grille-pain neuf, celui-là coince tout le temps. Bon, c’est pas tout ça, il faudrait que je termine mon petit-déjeuner. C’est pas parce que je suis mon propre patron que je peux me permettre d’arriver en retard. Allez hop, Damien, si tu arrives encore en retard ta secrétaire va faire une crise.


 - Six minutes de retard, monsieur Zakdine. Ça n’est quand même pas sérieux.

- Désolé, Myriam, j’ai fait aussi vite que j’ai pu, dis-je, essoufflé.

J’accroche mon manteau et mon chapeau sur le portemanteau.

- Pas d’appel pour l’instant ? demandé-je.

- Pas encore, répond-elle.

- Bon. Bon, je vais dans mon bureau.

- Evidemment, réplique-t-elle, où iriez-vous sinon ?

- Vous pourriez avoir un peu plus de respect, je suis quand même votre patron.

Je n’attends cependant pas sa réponse. Je rentre dans mon bureau et je referme la porte derrière moi. Pourquoi ai-je engagé une secrétaire ? Je n’en avais pas besoin. On ne se bouscule pas pour m’appeler. En fait je sais pertinemment pourquoi : j’ai trop vu de films de détectives privés et j’ai voulu faire un peu pareil même si mon domaine d’investigations est différent. Et puis pour les clients éventuels, se retrouver avec une secrétaire fait plus sérieux qu’avec un répondeur. Après tout, ce n’est pas un petit boulot que je fais, je paie des impôts comme tout le monde (je suis dans la catégorie " professions libérales ", comme les avocats et les prostituées). Et puis de toute façon, avec la petite fortune que je me trimballe, je peux me permettre d’avoir une secrétaire. Ca fera toujours une chômeuse de moins. Bon, après ces belles considérations, j’allume mon ordinateur. Première chose que je fais comme tous les jours, c’est regarder ma boîte aux lettres électronique. Tiens ? J’ai du courrier, et de la part de Christophe. Ça faisait longtemps, je ne me souvenais même plus que je lui avais donné mon adresse e-mail. Que me dit-il ?

"

Salut Damien.

 Désolé de reprendre contact avec toi comme ça, mais j’ai besoin de ton aide. En fait ce n’est pas pour moi mais pour des copains. Il est arrivé quelque chose à l’école et je crois que tu es bien placé pour pouvoir nous aider. Je ne sais pas comment t’expliquer ça, je préférerais que tu viennes pour que je te montre. Je ne sais plus si je t’avais donné l’adresse de l’école. Elle est située rue Vauquelin, dans le 5e, à deux pas de Normale Sup. Envoie-moi un mail pour me dire si tu peux venir et quand. Si tu pouvais faire vite, c’est arrivé ce matin et j’ai une amie qui est en état de choc.

 J’attends ta réponse. Salut.

Christophe. "

Il a l’air affolé. Qu’est-ce qui peut bien s’être passé ? Je le connais, il ne m’aurait pas contacté si ce n’était pas important. J’appelle ma secrétaire par l’interphone :

- Myriam, ai-je quelque chose de prévu ce matin ?

- Non, monsieur, répond-elle. Pourquoi ça ?

- Un ami a un problème et ça semble être une affaire pour moi. Je vais y aller tout de suite, c’est dans le 5e.

- Bien monsieur. Quand comptez-vous revenir ?

- Je ne sais pas. Sûrement pour le déjeuner. Continuez à faire la permanence, et ne m’appelez que s’il y a un problème grave.

- Bien patron.

Bon, j’envoie rapidement un mail à Christophe pour lui dire que j’arrive tout de suite. Je sors de mon bureau, mets mon manteau et visse mon chapeau sur la tête. Ca y est, Dick Tracy est reparti pour une de ses enquêtes ! En attendant, Dick Tracy doit attraper le métro s’il veut arriver tout de suite. Je descends l’immeuble et sors dans la rue. Rue Vauquelin... en m’arrêtant à Censier je ne devrais pas en être loin. Brrr... quel froid ! Ce mois de février est en train de battre des records. Allez, on se dépêche.


 J’arrive à l’entrée de cette fameuse école. Christophe a bien eu mon message car il m’attend devant la porte. Quand il me voit, il me saute dessus pour me serrer la main.

- Salut Damien, dit-il. Désolé de te brusquer mais je gèle.

- Pas de problème, répliqué-je. On n’a qu’à rentrer tout de suite.

Il a l’air vraiment soucieux. D’habitude il ne respire pas la joie de vivre mais là il a vraiment l’air mal à l’aise. Nous rentrons dans l’école. Je le suis car je ne connais pas du tout.

- Qu’est-ce qui s’est passé ? lui demandé-je.

- Je préférerais t’expliquer sur place. Ça s’est passé au foyer et les traces y sont plutôt explicites. En fait, personnellement je n’ai rien vu. Je descendais au foyer quand j’ai entendu un hurlement. Le temps que j’arrive tout était fini. Mais les traces étaient encore chaudes. Le temps que les témoins m’expliquent ce qu’ils ont vu, j’ai rapidement décidé de te joindre. J’aurais préféré te revoir dans d’autres conditions mais...

- Ne t’inquiète pas. Si ça a un rapport avec mon job, il n’y a aucun problème.

- Je crains que ça aie un rapport avec ton job. On arrive.

Nous entrons dans un bâtiment et je suis Christophe qui descend au sous-sol. Nous tournons à gauche et nous nous retrouvons dans un couloir dont les murs sont tapissés d’affiches en tous genres. Christophe va encore à gauche. Je le suis. Ah ! ça doit être le foyer. Je jette un coup d’œil circulaire. Il y a un bar à ma gauche. Dans cette grande pièce sont dispersées quelques tables, plusieurs chaises et un fauteuil qui a l’air assez fatigué. Le bourdonnement des conversations est plutôt faible. C’est pas très vivant pour un foyer. Tiens, il y a plusieurs fenêtres au mur d’en face. C’est marrant que je n’aie rien vu de l’extérieur. Qu’est-ce que c’est que ça ? !

- Oui, c’est une des traces qui reste, dit Christophe.

On dirait du noir de fumée, comme s’il y avait eu un incendie et que les flammes avaient léché le mur. Mais ça a une forme humaine ! Il n’y a pas de confusion possible. C’est comme si quelqu’un avait traversé le mur d’en face et qu’il avait laissé une trace. Soudain je sens des regards dirigés sur moi. Les conversations se sont arrêtées et tout le monde a l’air de me dévisager. Le regard d’une vingtaine de personnes sur soi, c’est assez pesant. L’un d’eux se dirige vers Christophe.

- C’est lui ? demande-t-il.

- Oui, répond Christophe.

- Euh, ça vous ennuierait de me mettre dans la confidence ? demandé-je.

- Désolé, dit Christophe. Bon, ajoute-t-il en haussant le ton, voici Damien Zakdine. C’est lui qui va essayer de comprendre ce qui s’est passé. C’est tout à fait son domaine.

- Il est... chasseur de fantômes ? demande le mec qui est venu parler à Christophe.

- Tu peux me parler directement, dis-je. Pas besoin de passer par Christophe. D’accord... ?

- Yvan, me dit Christophe.

- ... D’accord Yvan ?

- D’accord. Tu es chasseur de fantômes ?

- Non, pas exactement. En fait, je n’aime pas ce terme. Depuis le film, je n’arrête pas d’entendre ça et ça m’énerve un peu. Je ne suis pas un chasseur. Les fantômes ne sont pas un gibier, je ne rapporte aucun trophée et je n’ai pas de tête de fantôme accrochée sur mes murs. Je suis plutôt un détective. J’arrive rarement nez à nez avec un phénomène. J’interviens plutôt après. Je relève les traces, écoute les témoignages et recherche toutes les explications possibles. Si les explications rationnelles ne conviennent pas, je passe aux autres explications possibles. En bref, j’essaie de savoir ce qui s’est passé, j’essaie d’en découvrir la cause et si le phénomène recommence et qu’il est désagréable ou même dangereux, j’essaie de trouver le moyen de l’arrêter, ou, si ça n’est pas possible, de le contenir. Ça te va comme explication ?

- ... Oui, répond-il.

- Tu as vu ce qui s’est passé ?

- Euh... non, j’étais pas encore là. Mais on m’a raconté ce qui s’est passé.

- Excuse-moi, mais je voudrais parler directement aux témoins. Je n’ai rien contre toi, mais dans mon métier, il n’y a rien de pire que les récits de seconde main.

- Avant, je voudrais que tu voies autre chose, intervient Christophe.

- Je te suis, répliqué-je.

Nous contournons deux machines, un distributeur de friandises et une machine à café, pour arriver devant le mur opposé aux fenêtres. Il y a deux tables, quelques chaises, une sorte de banquette et quelques affiches sont accrochées au mur... qui est marqué comme en face ! La forme humaine est là aussi. L’une des affiches semble avoir été atteinte. On dirait qu’elle a été coupée net au niveau de la marque, et le reste a disparu ! Christophe a vu que je fixais cette coupure.

- Regarde bien, me conseille-t-il.

Regarde quoi ? me demandé-je. Il s’approche de l’affiche et passe le doigt sur le bord coupé... qui s’effrite en minuscules confettis au passage du doigt ! Je m’approche moi-même et fait l’expérience. On dirait que les particules de papier ne tiennent plus que par habitude. Elles se détachent avec une telle facilité. Sur la coupure, le papier n’a plus aucune solidité. Il n’y a pas trace de brûlure. Le papier est juste... désintégré !

- Va-t-on enfin me dire ce qui s’est passé ici ?

- Où est Rachid ? demande Christophe.

- Dans le BdE, répond Yvan. Il est avec Delphine.

- Elle est toujours aussi choquée ?

- Je sais pas. Va voir par toi-même.

- ... Bon. Tu viens Damien ? On va voir la personne qui a le mieux vu ce qui s’est passé.

Je ne réponds pas. Christophe me conduit de nouveau dans le couloir jusqu’à une porte fermée. Il frappe à la porte.

- Qui c’est ? demande une voix masculine.

- C’est Christophe. J’amène la personne dont je t’ai parlé. Tu penses que Delphine tiendra le coup ?

Un silence. Non, j’entends des chuchotements derrière la porte.

- Oui, vous pouvez venir. Mais pas longtemps, d’accord ?

- D’accord, répond Christophe.

La porte s’ouvre. Ce doit être le fameux Rachid. Mais il est blanc comme un linge !

- Entrez, dit-il doucement. Mais pas longtemps, hein ?

- Ne t’inquiète pas, répliqué-je doucement. Je sais ce que c’est.

J’entre. Ce BdE est un vrai foutoir. Au milieu de ce capharnaüm, une jeune fille toute menue est en position fœtale dans un fauteuil, ce qui la rend encore plus petite qu’elle n’est. Je m’approche doucement.

- Salut Delphine, murmuré-je quand je suis assez près d’elle. C’est bien ton prénom ?

Ses yeux vagues retrouvent un peu de vie quand ils se tournent vers moi.

- ... Oui, finit-elle par dire dans un soupir.

- Je me doute que ce que tu as vécu a dû être très dur, mais il faut que je sache ce qui s’est passé pour éviter que ça recommence.

Son visage se contracte soudain et elle se met à sangloter.

- Désolé, lui dis-je avec toute la chaleur que je peux mettre dans ma voix. Je te demanderai ça plus tard... Rachid ? demandé-je en me tournant vers lui.

- Oui ?

- Tu as assisté au phénomène ?

- ... Oui.

- Bon. Viens avec moi. Tu va me raconter tout ce qui s’est passé. Mais d’abord, sortons d’ici. Il faut qu’elle se repose. Christophe, reste avec elle.

- OK, acquiesce-t-il.

Rachid et moi sortons du BdE.

- Conduis-moi vers un endroit tranquille, qu’on puisse parler.

- On n’a qu’à aller juste à côté et fermer la porte, réplique-t-il.

- Je te suis.

 Cette pièce contient tous les casiers des élèves de cette école. Rachid referme la porte tandis que je m’appuie sur une table de ping-pong qui se trouve là pour je ne sais quelle raison.

- Maintenant, Rachid, raconte-moi tout depuis le début.

- Euh... c’est-à-dire que... c’est si confus...

- Prends ton temps. Je suis là pour ça.

- Bon... alors... J’étais avec Delphine dans le foyer, on faisait nos tutorats. Il y avait vraiment rien de spécial, une journée comme d’habitude, et puis cette chose est arrivée ! ...

- Calme-toi ! m’écrie-je. Ça ne changera pas ce qui s’est passé.

- ... c’était une sorte de silhouette, toute noire, et ça flottait. C’est apparu par le mur du fond, là où le poster a été... je sais pas quoi, ça a flotté, et puis... et puis...

- Et puis quoi ? !

- Ça a attrapé Delphine par le col, ça l’a soulevée, ça a flotté avec elle sur quelques mètres et puis ça l’a lâchée sur le fauteuil ! Ça a traversé l’autre mur et puis ça a disparu !

Il pleure !

- Calme-toi, lui dis-je doucement, comme je l’ai fait pour Delphine, mais en lui donnant une tape dans le dos.

- Elle hurlait, elle se débattait, mais ça la tenait, et puis ça l’a lâchée ! Si le fauteuil n’avait pas été là... !

- Voyons, il ne pouvait pas flotter bien haut. Elle aurait eu quelques bleus en plus du choc émotionnel, mais c’est tout.

Il se calme doucement. Il sèche ses larmes puis me demande :

- Qu’est-ce que c’était ?

- Ça, c’est encore un peu tôt pour le dire, mais en tout cas c’était bien réel, vu les traces que ça a laissées.

- Vous pensez que c’était un fantôme ?

- Tu... dis-moi " tu ". Je n’emploie pas le terme de fantôme. Pas assez précis. Il y a plein de choses différentes sous cette appellation générique de fantômes. Il y a les images générées par un esprit puissant, la mémoire des pierres, l’esprit de quelqu’un sorti de son corps, les revenants, qui sont plutôt rares, et bien d’autres choses connues seulement de personnes assez curieuses, ou assez folles, pour risquer leur santé mentale à les étudier.

- Comme toi ?

- Comme moi... Allez, va rejoindre ta copine, et dis à Christophe de venir me voir. Mais je ne veux voir personne d’autre pour l’instant.

- D’accord...

Il sort et referme la porte derrière lui. Je réfléchis un peu avant que Christophe n’arrive. Une " silhouette noire " ? Qu’est-ce que ça peut bien être ? Christophe entre.

- Ferme la porte derrière toi, lui dis-je.

Quand il s’est exécuté, je continue :

- Sais-tu quand ça s’est passé ?

- J’ai même l’heure exacte si tu la veux. Je descendais au foyer quand j’ai entendu Delphine crier et le panneau lumineux indiquait l’heure à ce moment-là. Il était 9 heures 12.

- Bon... Toi qui es si curieux de ce genre de choses, sais-tu s’il y a des rumeurs qui circulent au sujet de cette école, de son emplacement, de son histoire ?

- Non... à vrai dire je ne me suis jamais vraiment posé la question. Je sais que cette école est assez ancienne. C’est la 116e promotion cette année. Je ne sais rien quant au lieu... attends un peu. J’ai entendu une rumeur, une fois, parlant de souterrains sous PC.

- Tu sais, le sol de Paris est un vrai gruyère, il y a des souterrains partout.

- Oui, mais là il s’agirait de souterrains reliant l’école à Ulm. Ce n’est qu’une rumeur bien sûr...

- Et je ne vois pas en quoi ça m’aiderait. C’est tout ce que tu sais ?

Il acquiesce.

- Bon. Il va falloir se débrouiller avec ça. Mais c’est la première fois qu’un phénomène comme ça apparaît ?

- Personne ne m’a jamais parlé de phénomènes paranormaux, et pourtant tout le monde sait que je m’y intéresse.

- C’est bizarre quand même. Un phénomène aussi puissant. Je vois mal un esprit humain créer une chose qui laisse de telles traces. Je fais faire quelques recherches. Quant à toi, si tu pouvais interroger toutes les personnes qui ont vu ce qui s’est passé et m’en faire la liste, ça m’aiderait.

- Sans problème, je te fais ça dès aujourd’hui.

- Merci. Même si je pense que ça ne mènera à rien, essaie de voir s’il n’y en aurait pas avec des dons ou des pouvoirs paranormaux. Je sais que ça ne se voit pas sur le nez des gens, mais essaie de voir ça quand même.

- Ça, ça va être plus dur, mais je vais faire ce que je peux.

- Je vais prendre un échantillon du papier du poster et de la peinture du mur là où c’est noirci et je retourne à mon bureau. S’il y a un problème, tu appelles ma secrétaire où tu m’envoie un mail.

Il me fait un signe de tête approbateur. Nous sortons de cette pièce. Pendant que je retourne vers le foyer, je sors deux petites pochettes de plastiques et un petit couteau d’une poche de mon imper. J’ai toujours ça sur moi pour pouvoir prélever des échantillons à n’importe quel moment. Je fais ce que j’avais dit pendant que toutes les personnes présentes me regardent fixement sans oser m’aborder. Je fais toujours cet effet-là quand on ne me connaît pas (et même quand on me connaît, Christophe est une des rares personnes à être à peu près à l’aise en ma compagnie). Je n’y fais même plus attention. Quand j’ai eu ce que je voulais, je me retourne vers tous ces gens. Christophe n’est pas là. Il a dû aller rejoindre Delphine.

- Bon, dis-je bien fort. Je vais m’occuper de cette affaire. Ne vous inquiétez pas, je connais mon métier. Je vous demanderai seulement de coopérer avec Christophe et moi, quelles que soient vos convictions dans ce domaine. Je ne veux pas entendre une seule fois le mot " hallucination ". Il s’est passé quelque chose et mon travail est de découvrir ce que c’était. C’est compris ?

Pas de réponses. J’attends deux secondes. Je considère que c’est compris.

- Bon, je vous laisse. Je vais faire mes recherches. Si Christophe vous pose des questions, répondez-lui franchement. Il sera l’intermédiaire entre vous et moi quand je ne pourrai pas être ici.

Je sors du foyer. Bon, je retourne au bureau pour prévenir ma secrétaire que cette affaire est désormais prioritaire et je commence à faire mes recherches.


 Bon, arrêtons-nous un peu maintenant. Il est quatre heures et je n’ai pas pris de déjeuner. Mon estomac est en train de me torturer. Je vais sortir pour me prendre un sandwich. Je sors de mon bureau et passe devant ma secrétaire.

- Je descends manger un bout. Si on me demande, je serai rentré dans une petite demi-heure.

- Bien monsieur.

Je sors, descends les quatre étages à pied (il n’y a pas d’ascenseur dans ces vieux immeubles) et sors dans la rue. En passant devant ma plaque bien vissée à côté de l’interphone, je reçois un coup de vent cinglant. Je relève mon col. Il fait vraiment froid cette semaine. Je descends la rue. Je vais me prendre un sandwich quelconque et m’asseoir sur un banc pour réfléchir.

 Je m’assieds avec mon Panini jambon-fromage dans la main. Heureusement qu’il ne pleut pas. Ça aurait été le pompon ! ... Récapitulons : une silhouette noire volante, une jeune fille emportée sur trois ou quatre mètres, des traces de brûlure sur les murs et une affiche à moitié désintégrée. C’est la première fois que j’ai une affaire où les traces physiques sont aussi nombreuses dès la première apparition. J’ai mis les échantillons que j’ai pris dans un endroit sûr. J’en confierai une partie à Philippe, comme d’habitude. Heureusement que je compte un chercheur parmi mes amis, sinon il me serait très difficile de faire analyser tout ce que je trouve. Mon métier n’est pas très bien vu par les gens " rationnels " ! Mais Philippe possède un labo privé et il n’a de comptes à rendre à personne. Tu te perds, Damien. Reste sur cette affaire. Je ne sais pas par quel bout la prendre. J’ai regardé mes archives personnelles, au cas où ma mémoire me ferait défaut. Mais non, ni moi, ni mon prédécesseur n’avons eu à résoudre une affaire ressemblant de près ou de loin à celle qui se présente. Je n’ai de plus vraiment pas envie de consulter les archives mondiales ou même nationales de la profession. Ça prendrait trop de temps par rapport au résultat que je pourrais peut-être en retirer. Non, il ne me reste plus qu’à partir en terrain inconnu (ce qui arrive souvent dans cette profession). Bon, après tout c’est un peu pour ça aussi que je l’ai choisie. J’ai terminé mon sandwich. Je vais revenir tranquillement au bureau. Avant de commencer réellement, je vais attendre le rapport de Christophe. Ensuite, quand j’aurai les résultats d’analyse, je pense que je commencerai à savoir à quoi m’en tenir. Allez hop ! au boulot !


 Mardi soir. Ça fait déjà deux jours ! J’ai passé la soirée d’hier et la journée d’aujourd’hui à décortiquer le rapport de Christophe. Je ne sais pas comment il a fait pour me pondre un truc aussi complet en un après-midi. Il a interrogé six personnes et a tapé l’ensemble de leurs témoignages. Il a dû les enregistrer, c’est pas possible sinon. Ensuite, il me l’a envoyé par courrier électronique. Ça n’est pas très bien écrit, mais je pense qu’il devait avoir autre chose à faire que corriger douze pages de texte. En ce qui concerne le contenu, tous les témoignages concordent, du moins dans leurs grandes lignes. Comme d’habitude dans ce genre de phénomènes, les gens sont tellement surpris et parfois choqués qu’ils ont du mal à remettre leurs idées en place. Résultat, s’ils racontent la même chose dans les grandes lignes, ils inventent sans s’en rendre compte la plupart des détails. Il m’a donc fallu bien décortiquer ce document pour avoir une image précise et à peu près sûre de ce qui s’est passé. Ça correspond avec le récit de Rachid. Toutes les personnes ont été impressionnées par la noirceur de la silhouette. Cette chose n’était pas noire parce qu’elle absorbait toutes les longueurs d’onde de la lumière. C’était un noir positif. Trois des personnes que Christophe a interrogées ont même dit qu’il leur avait semblé que le foyer s’était assombri à son apparition et qu’il avait retrouvé sa luminosité normale lorsque la chose avait disparu. Trois personnes. C’est suffisant pour considérer que c’est probablement vrai. Il me paraît plus logique de penser que les autres n’ont pas remarqué cet assombrissement parce qu’elles étaient abasourdies devant le phénomène que de penser qu’elles ont toutes les trois inventé ce genre de détail. En tout cas, ce phénomène ne ressemble pas à ce que je connais. On peut appeler ça un fantôme, mais comme ce mot ne veut rien dire, je ne suis pas plus avancé qu’avant. Pour l’instant, je suis en train d’émettre un ensemble d’hypothèses et j’attends que Philippe me donne les résultats de ses analyses pour commencer à faire un travail vraiment constructif. Mais pour l’instant, je vais me coucher. Il est onze heures et demie du soir et je suis crevé.

 Merde ! ! ! qui peut m’appeler maintenant ? Je me tourne lentement vers mon réveil. Il est deux heures et quart du matin. J’espère que la personne qui me réveille en sursaut a de très bonnes raisons de le faire. Je décroche enfin le téléphone qui est à côté du réveil.

- Allô ? dis-je d’une voix ensommeillée.

- Allô Damien, c’est Philippe, dit la voix dans le combiné. Je suis vraiment désolé de te déranger à cette heure-là mais il faut absolument que tu viennes au labo maintenant. J’y suis et je t’y attends.

- Qu’est-ce qui se passe ? ! demandé-je, réveillé par un je ne sais quoi d’affolé dans la voix de Philippe.

- Pas le temps de te l’expliquer au téléphone. Je ne saurais même pas comment te l’expliquer. Viens vite !

- D’accord, d’accord, j’arrive, dis-je en me levant brusquement.

- Je t’attends. A tout de suite.

Il a raccroché. Philippe n’est pas du genre à appeler à deux heures du matin pour rien. Je vais m’habiller rapidement et essayer d’attraper un taxi. Qu’est-ce qui peut bien s’être passé ? Est-ce que ça a un rapport avec l’échantillon que je lui ai donné pour l’analyse ?




 Que s’est-il passé dans le laboratoire de Philippe ? Que peut bien être cette " silhouette noire " et pourquoi s’est-elle attaquée à Delphine ? Vous le saurez (peut-être) en lisant la suite du Fantôme de PC.


Tsela Jemufan Atlinan C.G.


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